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Felix Tshisekedi, Luc Gerard

Luc Gerard — Le Milliardaire Congolais au Pied du Mur

Depuis une dizaine d’années, le dossier de la création de la Zone Economique Spéciale piétine. L’annonce de la sélection et du recrutement du développeur de la ZES qui sera établie dans la commune de Maluku est une avancée significative dans ce projet de 152 millions USD financés en partie par la Banque Mondiale.

Cette sélection placée sous la supervision de la Commission des Marchés de la Banque Mondiale et du Ministère des Finances a été scrutée par des experts de l’université de Kinshasa, des ministères des Finances et de l’industrie ainsi que ceux de la cellule ZES. Ce processus compétitif qui remonte à 2016 avait démarré avec un appel à manifestation d’intérêt. 18 sociétés et groupements y avaient répondu. Après un premier changement des critères visant à rendre la sélection plus rigoureuse, 6 groupements avaient finalement remis leur offre technique. Les Sud-africains associés au gouverneur de l’Ituri Jean Bamanisa ainsi que les Chinois qui avaient développé le site Oasis la commune de Bandalungwa ont mordu la poussière face à la société Strategos Colombie du Conseiller spécial du Chef de l’Etat, le milliardaire congolais Luc Gérard.

Ce dernier présentait de sérieuses lettres de créances puisque Strategos Colombie appartient au fonds d’investissements Tribeca dans lequel l’homme d’affaires est un des associés de référence. Pour preuve, Tribeca dispose dans son portefeuille de SMS Medical qui gère les hôpitaux en Amérique Latine et qui a notamment obtenu à Kinshasa la gestion de la clinique de la Banque Centrale du Congo, BCC, mais également Citicargo qui dispose de la gestion du parking et de la chaîne de froid de l’aéroport de Bogota, d’une brasserie, d’intérêts dans le textile et les mines. De quoi rassurer le ministère des Finances et la Commission des Marchés de la Banque Mondiale qui a émis sa non objection sur le recrutement de Strategos Colombie.

A ce stade, aucune garantie financière n’avait été exigée par la Banque Mondiale et le ministère des Finances qui se sont contentés des déclarations et de la documentation transmise par le conseiller financier du Chef de l’Etat.

Toutefois, dès la décision des autorités de sélections, les rumeurs ont commencé à bruisser sur le conflit d’intérêt manifeste suscité par le recrutement par la Banque Mondiale d’une société appartenant à un conseiller du Chef de l’Etat. Le risque de délit d’initié étant réel associé à celui de prise illégale d’intérêt dans le chef d’un haut responsable de l’Etat qui se voit attribuer un marché public financé par la Banque Mondiale étant bien trop manifeste, après un temps d’hésitation, la Banque Mondiale a exigé de la part des autorités congolaises l’adoption de mesures d’atténuation des risques.

Le dossier de la ZES congolaise crée un précédent dangereux dans les pratiques de la Banque Mondiale.  On se rappellera dans le passé les déboires de l’ancien responsable du BECECO, devenu Premier Ministre Matata, suite à des plaintes dans la gestion de ce projet. Ce n’est donc pas une première pour la Banque Mondiale qui doit montrer patte blanche en ce qui concerne la transparence dans la gestion de son portefeuille. Après cette injonction, le milliardaire-conseiller aurait décidé de démissionner de ses fonctions officielles. A défaut, il pourrait créer une société de droits congolais dédiée à la gestion de la ZES. Mais aux yeux de tous les observateurs sérieux,  l’imbroglio juridique créé par la position de Luc Gérard lors de la procédure de sélection rend la solution précaire et bancale.

L’ancien président français Jacques Chirac a eu ce mot fameux en affirmant que  « les emmerdes volent jamais seules mais en escadrilles !». Comme si les soupçons de collusion en RDCongo ne suffisaient pas, Luc Gérard serait toujours sous le coup d’une mise en examen dans le dossier de construction d’une centrale électrique dans les caraïbes. Défendu dans ce dossier de corruption par le célèbre avocat colombien Jaime Augusto Lombana, l’homme d’affaires congolais qui bénéficie de la présomption d’innocence a accumulé ces dernières années plusieurs déboires en Colombie notamment à cause de la présence à ses côtés d’un partenaire financier douteux dans plusieurs opérations. De quoi mettre la puce à l’oreille de la Banque Mondiale !

Au Congo, les sociétés créées par l’homme d’affaires battent toutes de l’aile. La reprise de l’hôpital de la BCC par SMS Medical s’avère un fiasco. En dépit du recrutement d’un ancien ministre colombien pour la gestion de cette unité, les échos de la Banque Centrale sur son centre médical sont négatifs. La Banque s’apprêterait à revoir le contrat de gestion et à reprendre le centre pour le confier à d’autres mains expertes. Il n’en fallait pas plus pour que la Gécamines qui était également intéressée à confier la gestion de ses unités médicales à la compagnie colombienne se ravise.  Dans le domaine agro-industriel, les investissements de Luc Gérard dans le Kwilu à Lusanga sont aussi dans une situation difficile. L’homme d’affaires a manifestement sous-estimé la mise de fonds nécessaires au développement de ses investissements congolais.

Mais là où le bât blesse dans le dossier de la ZES, c’est moins les soupçons de collusion ou les doutes sur les assises financières du milliardaires qu’il faut mettre l’accent mais sur un tour de passe-passe qui soulève de sérieux doutes sur le sémillant homme d’affaires venu de Colombie.

En effet, il apparaît qu’après avoir présenté son offre au nom de Strategos Colombie adossé au fonds d’investissements colombien Tribeca, aujourd’hui, le conseiller spécial du Chef de l’Etat a substitué une nouvelle société dénommée Strategos Denver logée aux Etats-Unis. A ce stade, aucun lien n’existe entre le fonds d’investissements Tribeca et la nouvelle société Strategos Denver qui vient d’être créée et dans laquelle se retrouvent plusieurs membres de la famille Gérard.

Devant cette évolution inattendue du dossier, la Banque Mondiale vient d’exiger le dépôt d’une garantie financière dont le montant se situe entre 10 et 15% du marché total évalué à plus de 150 millions USD. En plus de son retrait personnel de la société qui aura à développer la ZES, Le milliardaire congolais est donc en devoir de placer en garantie 20 millions USD afin d’obtenir l’avis de non objection finale de la Banque Mondiale.

Tout n’est donc pas encore terminé avec ce dossier. Le milliardaire congolais se retrouve bel et bien au pied du mur. Ses actifs et sa notoriété internationale devraient lui permettre de lever rapidement toute équivoque.

 

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